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BRING ME THE HORIZON — L’incroyable cadeau que mon père a fait à maman, ça a été de m’avoir moi. Certes, je n’étais pas tout seul dans l’utérus mais quand même, je suis un cadeau pour mes parents. Enfin, je l’étais. Jusqu’à ce que j’apprenne à marcher et alors là ça a été une horreur. Dae Moon et moi sommes nés le premier avril, en occident c’est la fête des blagues alors quand Na Na – notre sœur aînée – nous l’a dit, on s’est mis en tête de faire des farces à tout-va. À notre troisième anniversaire, la robe favorite de maman avait disparu et toutes les preuves accablaient notre père, maman était tellement hystérique et en colère qu’il n’a pas pu en placer une pour s’expliquer apparemment. Ça fait de chouettes souvenirs de famille, ça ! C’est Na Na qui nous a appris à être fourbes, plus malins et discrets mais on était trop petits pour comprendre, malgré nos deux cerveaux. Deux cerveaux et pourtant l’impression d’en avoir qu’un seul tellement on était débiles. Heureusement que Ji Ho était là. Lui, c’est notre meilleur ami depuis toujours. Nos mères ont accouché en même temps et sont devenues super proches, du coup maman a convaincu la mère de Ji Ho d’emménager dans notre immeuble. C’est pour ça que par moment, j’ai l’impression d’avoir deux frères ou même une tante, c’est ça que j’ai le plus aimé dans mon enfance je pense. Du coup, sans Ji Ho, on était un peu perdus. Le cerveau le plus intelligent de nous tous, c’est lui. Par contre, même s’il était super fort pour nous empêcher de nous faire prendre, quand Na Na venait nous martyriser, il se ratatinait comme une larve, j’ai jamais compris pourquoi. Na Na, faut pas croire qu’elle était super gentille et mignonne, elle était un monstre avec nous ! Sous prétexte que l’aîné a tous les droits… Surtout que les victimes de ses farces, c’était notre trio, tandis que nous on en faisait qu’à nos parents parce qu’on n’était pas aussi diaboliques qu’elle. Le pire, c’est qu’elle ne s’est jamais fait prendre alors les parents pensent toujours qu’elle était un ange avec nous. Ce qu’il faut pas entendre…

MENTAL BREAKER — En grandissant, on n’a pas vraiment pris de plomb dans la tête. Et les blagues enfantines qu’on faisait à l’époque sont devenues de pire en pire. Mais nos conneries n’étaient plus dirigées vers nos parents, alors ils ne pouvaient nous punir sans raison. Ayant grandi dans un quartier pauvre, pas forcément bien sécurisé, on a aussi énormément traîné dehors, si bien qu’à l’âge de dix ans, les gens nous prenaient pour des punks. Sauf quand les mères nous appelaient par la fenêtre pour manger, ma mère avec ses bigoudis sur la tête nous faisait trop honte. Quand on ne jouait pas au foot, on volait. Mais de petites choses sans importance, ça a commencé par des bonbons à cet âge-là. Le souci c’est qu’en devenant des délinquants, même pour des délits mineurs, on était catalogués comme de dangereux voyous. Les gens exagéraient bien sûr mais on ne pouvait pas vraiment leur expliquer les problèmes financiers et l’absence d’argent de poche ; on était des gamins et on voulait simplement manger les bonbons que tous les autres pouvaient se payer. Pas très malins comme gosses mais c’était plus facile de dérober les bonbons dans une boutique et s’enfuir que de faire la manche pendant des heures. Du coup, cette étiquette nous a tellement suivis qu’à force, on n’avait même plus besoin d’être coupables : c’était écrit sur nos fronts. Une fois on était dans une épicerie et un vol a été déclaré, sauf que le véritable coupable s’était enfui avant que le gérant s’en rende compte alors il nous a accusés sur le champ parce que nos têtes ne lui inspiraient rien de bon. On avait douze à l’époque, la première fois que la police s’en est mêlée. Envoyés au poste, interrogés et terrorisés, on a eu un cul d’enfer cette fois-là de tomber sur un inspecteur qui ne nous croyait pas coupables. Pourtant, il savait très bien qu’on n’était pas toujours cleans, qu’on était des gosses de la rue – élevés par la rue limite, mais il n’a jamais voulu nous condamner d’emblée. Certes nous avons continué nos conneries, et les multiples retours au poste mais l’inspecteur Kim était là pour nous couvrir. Ah, on a tellement profité de sa gentillesse…  

ON RAINY DAYS — Pas doué à l’école. En fait, j’y allais que pour la forme, pour ne pas que maman s’inquiète mais les cours ne m’intéressaient pas. Ils ne m’ont plus intéressé le jour où j’ai compris qu’un gamin comme moi ne deviendrait jamais astronaute. C’est pas joli de perdre ses rêves, surtout aussi jeune. Mais j’étais pas attristé ou quoique ce soit, c’est pas mon genre de m’apitoyer sur mon sort. Je deviendrai pas astronaute et alors ? Je serai autre chose ou rien du tout, c’est pas si grave. Je serai guitariste, ça c’est certain. Je joue de la guitare depuis… je ne sais même plus, j’étais enfant. C’était une vieille guitare, celle de mon père quand il en jouait dans sa jeunesse – l’antiquité pas accordée, quoi. Et puis, la guitare, ça plaît toujours aux filles. Les filles… j’ai commencé à m’y intéresser en même temps que les deux autres, vers quinze ans. On avait bien grandi depuis, et même devenu plus beaux d’après les gloussements. C’est juste qu’on était toujours considérés comme des voyous même à l’école, et être classés derniers de la classe n’arrangeait pas les choses. On faisait nos conneries, en grandissant tranquillement. Et on a assisté à la descente aux enfers de Nana. Ça nous a sacrément perturbés… Au début on culpabilisait même de ne pas avoir envahi davantage la vie privée de Nana, pour l’empêcher de couler aussi profondément. Nos parents disaient qu’elle faisait une crise d’adolescence mais ils ne voyaient pas son comportement à l’école… et puis elle traînait tout le temps avec cet abruti, celui que les gens ne pouvaient pas saquer et qui pourtant l’adulaient. L’antihéros par excellence… Le truc c’est que Nana était trop secrète, elle ne nous parlait même plus et filait en douce avec son Jules. Je ne sais pas réellement si c’est lié mais la  fois où notre appartement a brûlé, Nana est redevenue elle-même. Sauf qu’après cet incendie-là, elle a été arrêtée et emprisonnée pour un autre incendie. Ça a déchiré la famille, de la regarder partir. Même pour sept mois, c’était beaucoup trop pour les parents. Dae Moon et moi, nous avons dû nous calmer sur les ennuis durant cette période, histoire de ne pas trop énerver nos parents. Ils étaient déjà sur les nerfs à cause de Na Na mais ils refusaient de lui tourner le dos. Parfois, je me dis que mes parents sont les meilleurs parce que malgré les conneries qu’on puisse faire, ils nous aimeront toujours. Mais on n’aurait jamais pu rejeter Nana de toute manière, elle n’est absolument pas une mauvaise personne, je ne sais pas ce qui a causé cet acte mais la connaissant, elle avait ses raisons. Nana est comme ça, elle ne riposte pas sur le moment, c’est comme une bombe à retardement : ses vengeances prennent du temps mais quand elles éclatent… Ouais, en gros, faut éviter de lui chercher des noises. Parce que si elle a fait un incendie à dix-huit ans, je me demande ce qu’elle serait capable de faire à vingt-cinq ans.

GANGSTA'S PARADISE — Les véritables emmerdes nous sont tombées dessus à l’âge de dix-neuf ou vingt ans. J’avais trouvé un travail de mécanicien, ça payait pas beaucoup mais ça me permettait d’aider mes parents à chaque fin de mois – c’était de plus en plus difficile parce que papa avait de moins en moins de contrats… Mais Na Na était de nouveau à la maison, et avait échangé sa folie pour une combativité dérangeante. Parfois, je me dis que la prison l’a brisée. Mais elle souriait toujours, je pense qu’elle rêvait simplement de remonter la pente et tourner enfin la page. Bref, ce n’était pas très joyeux à la maison. Un jour, avec Daemoon et Jiho, on a participé à une partie de poker. D’habitude ça se passe plutôt bien, parce qu’au poker on ne mise pas beaucoup d’argent, nous. Mais lors de cette partie, on n’avait pas pris en compte le fait qu’on jouait contre des mafieux. Ça a assez vite dégénéré parce que Ji Ho a le sang chaud et même s’il était clairement en train de mettre la pâtée à ces types, ils avaient des flingues. Je me souviens, Dae Moon avait capté que celui d’en face ne cessait de tripoter son arme. La partie aurait pris un tournant carrément sanglant si un homme ne s’était pas interposé, on ne savait même pas qui il était. Il a simplement calmé le jeu, en prétendant se porter garant de nous, et qu’on ne ferait clairement plus d’erreurs. En regardant vachement durement Ji Ho, il l’a obligé à lâcher l’affaire et perdre plutôt qu’on se prenne des balles dans la cervelle. C’est après avoir perdu cette partie de poker qu’on a su à qui on avait affaire. Le souci, c’est qu’on se serait passés de son aide vu la grosse merde dans laquelle il nous a fourrés. Ce type, c’était un mac, et il a fait de nous ses larbins. Pas le choix surtout, à cause de la dette. Soit devenir son larbin, soit se prendre une balle, c’est le dilemme qu’il nous avait imposé. Principalement dans le trafic des jeunes filles : faire entrer les étrangères, faire sortir les coréennes et les vendre à tous types d’organisme comme les maisons closes ou la prostitution pure et dure dans la rue. Parfois, c’était même nous qui devions les conduire… On a essayé tant bien que mal de cacher la vérité à nos parents et ils ne le savent toujours pas. On a prétendu avoir trouvé un job dans le transport, tous les trois ensemble, pour expliquer nos voyages à l’étranger. C’est dégueulasse de dire ça mais on s’est fait beaucoup d’argent sur le dos de ces filles. On a même pu quitter l’immeuble de nos parents et louer un appartement à nous, et même maman a été couverte de bijoux. Depuis un an et demi, je travaille en parallèle au Styx, un club burlesque en tant que musicien. Mais depuis trois mois, on est sur les nerfs : le mac a enlevé Na Na en disant que les affaires sont les affaires, qu’il n’a absolument rien à faire qu’elle soit de la famille. Dae Moon a obtenu une négociation avec lui : Nana contre Jae Mee, la meilleure amie de Nana. Au bout de quelques jours, Nana est rentrée à la maison, chamboulée mais… on avait fait une grosse connerie en embarquant Jae Mee dans cette galère. Nana ne nous adresse plus la parole, elle réclame qu’on lui ramène sa meilleure amie sinon elle va péter un câble. À l’heure actuelle, même nous nous n’avons pas de nouvelles de Jae Mee. Ji Ho et moi sommes convaincus qu’il faudra la sauver mais Dae Moon ne cautionne pas notre plan parce qu’il a peur que ça se retourne contre Nana ou même contre nous. On ne sait pas du tout comment faire pour la sauver. Mais c’est certain que je ne la laisserai pas tomber, surtout par notre faute. On verra…