Je ne saurais dire à quel âge j’ai été livré à moi-même pour vivre en autarcie. Et à vrai dire, ce n’est pas le plus important mais le fait est que j’ai été abandonné dès mon plus jeune âge et que j’ai dû me débrouiller seul, haut comme trois pommes. Je vous avoue que j’ai moi-même du mal à comprendre comment j’ai fait pour survivre. Les gens ne sont là que pour vous détruire plus que vous ne l’êtes. En tout, j’ai dû traverser la Corée une bonne dizaine de fois, voyageant de ville en ville comme marchandise. On se servait de moi de la manière la plus sale que l’on peut se servir d’un gamin. Je n’étais qu’un objet pour vendre mon corps encore frêle afin d’assouvir les désirs de ceux qui le voulaient. J’ai subi et durement survécu à tout ça alors que j’étais encore loin d’atteindre les dix ans. Quand je ne servais pas, on me jeter à la rue comme on jetterait un chien, un bâtard. Ce que j’étais, au final. Je m’asseyais alors simplement sur un banc et regardais autour de moi. Je ne savais même pas pourquoi j’étais là et du haut de mes quelques années, tous les jours, je me demandais si j’allais finir vivant la semaine suivante. J’avais peur, j’étais terrifié et surtout, rempli de haine. Plus les jours passaient et plus ma haine grandissait. J’arrivais à me dire qu’un jour, je ferai tout pour me venger. Absolument tout.

Un jour, un garçon plus grand et plus âgé que moi, vint s’asseoir sur le même banc « Kang Jae Min, et toi ? ». Il me regardait avec son grand sourie et lorsque j’ai posé les yeux sur lui, il a commencé à me parler. Je l’ai alors écouté mais ne lui répondais jamais, ce qui l’intriguait. Jae Min habitait quelques maisons à côté du parc où j’avais l’habitude de me réfugier et pendant trois mois, il venait tous les jours me voir après qu’il soit rentré de l’école bien que sa mère ne voulait pas. Il me posait plein de questions et s’inquiétait parfois, quand j’avais des marques qui couvraient mon corps. Jae Min débordait de gentillesse et de compassion pour moi mais n’a jamais su quoi faire pour me sauver du moins, c’est ce qu’il croyait. Je me demandais pourquoi il portait tant d’intérêts pour moi, pourquoi il s’inquiétait, pourquoi je semblais important à ses yeux. C’est au bout d’un mois qu’il a prononcé ce mot, « ami », et m’a expliqué ce que cela signifiait. Ce jour, j’ai réalisé que Jae Min était mon premier ami et j’ai souri. La présence de Jae Min me rassurait, je me sentais moins seul et je voulais avoir le même sourire que lui, aussi sincère que lui. Je voulais vivre heureux comme lui. Puis, trois mois plus tard, ils ont décidé de me faire quitter Jéju pour m’envoyer dans une autre ville. J’ai dû dire adieu à mon seul ami et m’ont arraché au seul espoir que j’avais.

Jusque mes dix ans, j’ai vaqué de ville en ville pour enfin rejoindre la capitale. Il ne m’a pas fallu longtemps pour que je sois pris sous l’aile des Jang Ttan Saeng. Je suis rapidement tombé dans la drogue, et toutes autres choses aussi obscènes les unes que les autres, alors qu’on m’apprenait les arts de manier une arme blanche, l’auto-défense et le contrôle de soi. Ici aussi, ils se sont servis de moi mais cette fois-ci, la marchandise, ce n’était pas moi. C’étaient des sachets remplis de poudre, d’herbe ou de gélules. Je ne savais pas ce que c’était mais on m’en donnait également. Je ne savais ni comment ni pourquoi j’avais mis les pieds là-dedans mais la haine en moi était tellement profonde que ne pas savoir dans quoi je m’embarquais m’importait peu. Je voulais juste m’en sortir, m’en sortir seul et sans l’aide de personne ou du moins, le moins d’aide possible. Je faisais tout ce qu’on me disait, j’étais un enfant obéissant pour le bien de ma survie mais aussi pour une raison, monter les échelons. Ce que j’ai rapidement fait. Je n’étais plus la pute de bas étages. Je contrôlais les plus grands réseaux du marché de la rue. Et j’ai gagné la place la plus haute que je pouvais. Grâce à ma place, je me suis vengé. Non pas directement mais je me suis assuré que la vie de mes bourreaux, avant que j’arrive à Séoul, ne soit plus jamais la même jusque la fin de leur pauvre vie. Aujourd’hui, je vis de mon business et très bien, d’ailleurs.

En parallèle, j’ai, par le plus grand des hasards, retrouvé Jae Min. Combien de chances avions-nous pour nous retrouver dans cette ville ? Hyung était au courant de mes activités mais n’a jamais rien dit, ne m’a jamais jugé. Pour moi, il était et est la personne que je respecte le plus. Parfois, il est pour moi un modèle. Je donnerai ma vie pour cet homme bien que je ne l’admettrai jamais. Je pensais que Jae Min-Hyung serait mon seul ami. La seule personne en qui je ferai confiance et personne d’autre. Et puis ce jour, où j’ai croisé Long Yi Feng. Je ne saurais expliquer ce sentiment mais, vous savez le coup de foudre ? Eh bien, c’était ça, le coup de foudre. Yi Feng a été mon premier coup de foudre amical. Depuis ce jour, je ne l’ai jamais quitté Depuis ce jour, je ne vois pas mon futur sans lui. Ce type à bouleversé ma vie, en quelque sorte. Nous sommes le jour et la nuit et pourtant, nous sommes semblables. Un seul regard peut tout signifier. On se comprend comme si j’étais lui et lui était moi. Bien sûr, sûrement jamais je n’avouerai à qui que ce soit ce que représente Yi Feng à mes yeux mais de toute façon, je n’ai pas besoin de parler et lui non plus, pour que nous l’ayons compris.
Lorsque Hyung a voulu monter sa propre boîte, j’ai tout de suite voulu l’aider. Il avait du mal a trouvé son premier mannequin alors, j’ai tout de suite pensé à Yi Feng. Maintenant, il est l’un des mannequins les plus en vogue et Hyung a la plus grande société de Corée entre ses mains mais je n’aurais sûrement pas la prétention de dire que j’ai une bonne part de responsabilité là-dedans.