Il court sous la pluie, rapidement, il grogne en pensant à son brushing. Non mais sérieusement, quelle idée de sortir maintenant alors que depuis le matin, il pleut sans fin. Soupirant, il tient sa capuche pour être sûre qu’elle ne parte pas sous le vent. Finalement, il voit son salut et entre en trombe dans le café. Disons plutôt qu’il trébuche contre la porte vitrée, se ratatine dedans pendant qu’elle s’ouvre sous le choc le faisant tomber devant les clients venus se réchauffer. Il grimace en se mettant assis doucement, se sentant complètement nigaud, mais cette façon de faire est totalement courante avec lui. Il attrape une main tendue et se redresse en s’inclinant en avant, s’excusant au passage avant de regarder la personne face à lui. Il sourit. « Tu n’es vraiment pas doué par moment » « Ahra, ahra ! » « J’ai cru que tu t’étais noyé sous la pluie. » Il fait une petite moue en regardant l’homme d’une quarantaine d’année. « Je sais que je ne suis pas vraiment doué mais quand même ! » « Allez viens. » Il le suit à une table et s’installe, retirant alors manteau, écharpe, gants, et bonnet, gardant malgré tout son sweat. Il enlève aussi ses lunettes pour les essuyer. « Je sais pas pourquoi j’ai pas mis les lentilles, parfois, j’ai aucune logique. » « Venant d’un surdoué, c’est presque décevant. » Robin s’arrête dans son mouvement pour le dévisager avant de rire. Comme souvent, le rire est une échappatoire chez lui. « Je déteste ce terme. » « Je le sais, tu le répètes souvent. Alors ! Pourquoi avoir eu envie qu’on se voit ? » L’homme attrape la carte du menu par habitude, il sait déjà ce qu’il va prendre, mais relire inlassablement les mêmes choses devient comme une habitude de vie lorsqu’il arrive dans ce café. Robin, quant à lui, ne lit rien, il regarde la serveuse qui lui prépare déjà son latte machiatto caramel avec une double dose de mousse et un brownie. « On peut se voir juste comme ça non ? » Non, en effet, lorsque l’appel vient de Robin, en général la rencontre dissimule autre chose. « Vraiment ? »

Quand la commande du jeune présentateur arrive sur la table, l’homme s’empresse de demander un grand cappuccino vanille. Reposant alors la carte du menu, il fixe son interlocuteur. « J’ai l’impression de ne t’appeler que quand ça ne va… » Il s’en veut. « Dae sye m’a dit que je me monte la tête pour rien… mais… ça me…. » Son ami penche légèrement sa tête sur le côté, croisant ses bras. « Tes parents ? » Il frisonne à l’évocation de ce seul mot, ses yeux se baissent directement, il ressemble à un enfant pris en pleine faute. « Qu’est-ce qui te tracasse tellement Robin ? » Sa lèvre tremble doucement, il n’est pas du genre à pleurer en public (surtout avec son statut de petite star), et pour éviter que cela ne se produise, il avale une grande gorgée de son café le temps de se reprendre en main. « Je t’avais dit pour le divorce ? » « Ils sont divorcés depuis 2 ans, donc oui tu m’avais dit. » Logique… Logique… « J’ai reçu…. Un mail de mon parrain. » « Ça faisait longtemps non ? » « Dix mois quasiment… » « Et il te disait quoi ? » « Il disait : Ta mère se remarie la semaine prochaine avec son comptable, quant à ton paternel, il vient d’être à nouveau papa, prions pour l’âme de ce pauvre gamin. » Il redresse sa tête pour croiser alors le regard de l’homme face à lui. « Tu te sens comme Hermione Granger quand elle lance un oubliette à ses parents ? Comme si tu n’avais jamais fait partit de leurs vies respectives ? »

Touché. Coulé. Robin se plonge dans son brownie, dégustant le petit gâteau avec appétit. « Robin…. » « Tu veux que je te dise quoi Jae-Ho ? Oui… Oui, j’me sens comme Hermione à ce fucking moment-là ! » Il inspire un grand coup pour se calmer, tout le monde sait qu’il est un faux calme, mais il n’a jamais été réellement coléreux, il déteste cette attitude, il refuse d’être le reflet de son géniteur. « Je sais qu’ils me détestent. Que je ne suis plus leur fils depuis ce fameux été…. Mais oui, j’me sens effacé…J’ai jamais réussi à leur pardonner, mais je les ai jamais effacé non plus, alors qu’ils le font avec une facilité déconcertante. » Il se déteste d’être si touché par cela, lui qui c’est promis de ne plus jamais avoir mal à cause d’eux. « Je sais qu’on a tous des épreuves à vivre dans une existence, mais j’en ai marre qu’ils me torturent. » Jae-Ho repose sa tasse, regardant alors le jeune homme. « Je me souviens quand je t’ai vu la première fois dans le service, tu étais perdu, tu te demandais ce que tu pouvais bien foutre ici. Quand j’ai lu ton dossier, je me suis rendu compte que tout ça était d’une connerie incroyable. Que ce soit les infirmières qui t’engueulaient pour un rien, tes parents qui te pensaient schizophrène, ou encore mon collègue qui les soutenait. » Robin le regarde. Ils n’ont jamais réellement parlé ensemble de l’époque de l’internement, trop douloureux pour le jeune homme. Trois mois d’enfer. Heureusement que Jae-ho s’était battu pour lui. « Je comprends pas pourquoi tu parles de ça maintenant…. » « Vraiment ? » Le jeune homme fronce ses sourcil en essayant de comprendre. « Tu te sens abandonné depuis cette période. Tu te sens effacé depuis le jour où tes parents ont demandé à ce que tu sois interné simplement parce que pour eux tu ne représentais pas le fils idéal. Tu n’as jamais été l’enfant parfait pour eux, tu ne le seras jamais. Oui, ils t’oublient… Ils t’ont effacé. C’est juste plus facile pour eux de ce dire que tu es un nuisible que de s’avouer qu’ils ont totalement merdé en ce qui te concerne. » C’est dur de l’entendre, pourtant c’est vrai. « Tu as simplement des croyances différentes, une vision du monde qui ne s’accorde pas à la leur. Ta mère se remarie, parfait, son ex-mari est un con qui lui lobotomisait le cerveau, ton paternel a un autre enfant ? Et bien on va suivre le conseil de ton parrain et prier pour ce pauvre gamin. Rien n’est grave là-dedans Robin, ce qui te fait mal c’est que ça te renvoie 9 ans en arrière. »

Touché. Coulé pour la seconde fois. Il se sent ridicule maintenant, fixant sa tasse à moitié vide. « Tu crois que ça passera un jour ? La douleur de ce moment-là, la colère, le chagrin ? » Jae-Ho l’observe, se penchant doucement vers lui pour s’accouder à la table. « Ça ne partira pas si tu continues à t’accrocher à ton passé destructeur. » Robin le regarde en se mordant la lèvre. Il a toujours eu du mal à saisir le sens de l’idée : dire adieu à son passé. Après tout, ce qu’il a vécu fait ce qu’il est maintenant. « Tes parents t’ont donné la vie, puis ils t’ont démoli, mais tu t’es reconstruit et essentiellement grâce à Dae Say et sa famille. C’est eux que tu dois suivre. Eux pour qui tu dois avoir des émotions. Ils t’aiment plus que tes géniteurs n’ont jamais pu le faire. Remercies les de t’avoir donné la vie. Pour le reste, tu t’en fous, t’as déjà retrouvé une vraie famille. » Le jeune homme ne peut s’empêcher de sourire. C’est si vrai. Daisy est comme sa sœur, pour les parents de la belle, il est le fils qu’ils n’ont plus. Depuis leur rencontre, Jae-Ho sait toujours quoi dire pour lui remonter le moral. « Les Choi voudraient t’inviter à Noël avec nous… ça serait bien à vrai dire si tu venais. » Jae-Ho se pose dans le fond de son siège, il devient songeur. « Pourquoi pas. Ça sera sûrement mieux que d’être seul. » Ils rient ensemble, comme des amis, même si pour Robin, Jae-Ho est une sorte d’oncle d’adoption. Malgré les années, sa nouvelle célébrité, avec lui, il reste simple, comme un enfant face à un guide.


« Robin… Robin. C’est à toi d’aller parler… » Il secoue sa tête doucement, regardant sa meilleure amie comme s’il était perdu. « A quoi tu pensais si fort ? » « A notre dernière rencontre… » Il sert la main de Dae-Sye pour se donner du courage avant de se lever. Il regarde le cercueil avec une grosse douleur dans le cœur. Il prend place alors devant tout le monde. « Si seulement j’avais vu… Il voyait tout, il savait trouver les mots… Moi je n’ai jamais su…. » Il déglutit lentement sa salive cherchant le regard de Dae Sye pour réussir à parler encore. « Jae-Ho est…. Etait… » Il réfléchit, il pose sa main sur le cercueil. Il ferme ses yeux. « Song Jae-Ho est un des meilleurs hommes que j’ai jamais connu. Quand j’étais perdu et que je ne voulais plus croire dans les adultes, il m’a montré la bonne façon de penser, la bonne façon d’agir. Il m’a compris. Il m’a aidé. Il en a aidé beaucoup. » Il baisse ses yeux au bord des larmes. « Le monde perd un grand homme… Mais ceux qui meurent ne disparaissent jamais vraiment tant qu’on pense à eux. » Il regarde le cercueil. « Jamais je t’oublierai… tu vivras encore avec moi. » Il pose sa main sur sa bouche pour retenir son sanglot. Dae Sye se lève et vient l’attraper par le bras pour pouvoir le ramener à sa place. Ils restent collés l’un contre l’autre. Le reste de la cérémonie est une torture, mais par fidélité, il la supporte. « J’aurais dû le voir. » « Comment ? » « Je sais pas… Je savais que ça allait pas mais… » Dae Sye lui attrape le visage dans ses petites mains gelées. « Mon Hamtaro… Tu pouvais pas savoir… Il avait mal depuis la mort de sa femme et de sa fille, y’a des blessures qu’on ne guérit pas malheureusement. Mais malgré ça, il a su t’aider une dernière fois. Garde juste ça en tête et pas ta culpabilité… Il n’aurait pas aimé. Il appréciait le Robin excentrique, câlin, boudeur et maladroit, pas le Robin triste et coupable. Tu veux le faire vivre encore, alors soit l’homme qu’il appréciait. » Il sourit finalement, enlaçant sa meilleure amie. Elle a tellement raison. A présent, il est temps de vivre, profiter de la vie, devenir un présentateur que les gens apprécient, faire des études de psychologie par correspondance pour lui rendre un peu plus hommage et avoir de quoi faire si jamais la célébrité tourne court même s’il sait que les Choi ne le laisseront pas sans rien. Etre un héritier oui, mais être une bonne personne avant tout.